Contexte
Alors que les tensions s'intensifient dans l'est de la République Démocratique du Congo (RDC), une information circule largement sur les réseaux sociaux, notamment sur X (ex-Twitter) et Facebook. Celle-ci affirme que l'Union européenne a décidé de déployer un contingent militaire composé des armées belge, britannique et française dans l'Est de la RDC, dans le cadre d'une mission de maintien de la paix et du respect de la Charte des Nations Unies en faveur du pays. Pour vérifier l’information, Eleza Fact a mené des recherches auprès de l’Union européenne, rassemblé des preuves confirmant que cette information est erronée.
Source de l'infox
L’information a été publiée par José Tshileo Mudimba ce vendredi 21 mars 2025 sur son compte Facebook. « RDC : C'était prévisible. Après plusieurs pressions exercées sur le Rwanda et ses supplétifs, l'Union européenne se décide enfin ! Un contingent belge, anglais et français sera déployé à l'Est de la République démocratique du Congo, dans le cadre du maintien de la paix et du respect de la charte des Nations unies en faveur de la RDC. Selon plusieurs sources au sein du Parlement européen, le Rwanda ne pourra plus vendre de minerais congolais ni en Europe, ni aux États-Unis, ni en Asie (Qatar, Émirats arabes unis). Le chancelier allemand Olaf Scholz exige fermement la poursuite des responsables des crimes de guerre liés à l'AFC, au M23, à l’ADF et au FDLR, de la cité de Bunagana jusqu’à Bukavu. L'Allemagne s’engage à œuvrer pour que justice soit rendue en RDC » (sans correction), indique le post de José Tshileo, accompagné d'une image illustrant des militaires arborant le drapeau de l’Union européenne.
Cette publication a été partagée plus de 86 fois jusqu’au 24 mars, à 16h 00, heure de Goma.
Un utilisateur, convaincu par l’information, s’exclame en commentaire : « Je remercie vivement FÉLIX LE BÉTON DE LA RÉPUBLIQUE pour la sagesse qu'il a implorée auprès du Seigneur notre DIEU afin de lui ouvrir le chemin de la diplomatie que nombre de PANTINS congolais ne comprenaient pas... VIVE FATSHI MUKWA-NTOMBOLO » (sans correction).
Un autre reste sceptique et s’indigne : « Est-ce que eza ya solo ? », ce qui se traduit en français par « Est-ce vrai ? »
La même information avait été publiée sur le compte X de Ludovic Milambo le 16 février dernier à 00h03, heure de Goma, reprenant le même texte. Ce tweet a enregistré plus de 170 000 vues, plus de 800 mentions "j'aime", ainsi que 189 reposts et citations (observation faite le lundi 24 mars à 15h00).
L’UE, la Belgique et la France réfutent l’information
Contacté par Eleza Fact, le service du porte-parole de l'Union européenne a précisé dans un mail envoyé à Eleza Fact que dans le cadre d'une mesure d'assistance de la Facilité Européenne pour la Paix (FEP) adoptée en juillet 2023, l'UE apporte son soutien à la 31ᵉ brigade de réaction rapide des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC).
« Le soutien se limite exclusivement à la 31e brigade de réaction rapide, une unité d'élite commando des FARDC active dans l'est de la RDC et dont le quartier général est situé à Kindu. Elle opère en première ligne au Nord-Kivu contre les nombreux groupes armés présents dans la région. La Belgique forme cette brigade depuis de nombreuses années à travers ses propres forces armées », a-t-il expliqué dans le mail.
Cette version des faits a été confirmée par l'ambassadeur de la Belgique en République démocratique du Congo, contacté également par Eleza Fact, qui a également souligné que la Belgique n'envoie aucune troupe dans l'est du pays. « L'Ambassade de Belgique en RDC tient à clarifier que la Belgique ne déploie pas de troupes dans l'est de la RDC dans le cadre de la lutte contre le M23 », a-t-il répondu.
Et de préciser : « La Belgique compte actuellement une dizaine de militaires à Kindu, principalement dans le cadre de la mise en œuvre de la mesure de la Facilité européenne pour la paix (FEP) de l'Union européenne. La FEP est un instrument de l’UE destiné à renforcer la capacité de l’Union européenne à prévenir les conflits, à consolider et à préserver la paix, et à renforcer la sécurité et la stabilité internationales. Dans ce cas précis, le partenaire bénéficiaire est la RDC, pour un montant de 20 millions d’euros. La Belgique assurera la mise en œuvre de cette mesure FEP à Kindu jusqu'en décembre 2027 au plus tard ».
Il est clair ici que cette mission n'a aucun lien avec la situation sécuritaire à l'est de la RDC, ni avec un quelconque contingent envoyé pour combattre le M23.
Par ailleurs, une source diplomatique française a également rejeté ces allégations. « Je vous confirme qu'aucun contingent français n'a été déployé à l'est de la RDC », a-t-elle affirmé.
Néanmoins, l'Angleterre citée dans ce post a quitté l'Union européenne (archivé ici) depuis le 31 décembre 2020. Ce qui confirme encore la fausseté de ces allégations.
Des sanctions annoncées par l’UE, rien de plus depuis
La seule chose que l'Union européenne (UE) a faite jusque-là, c’est la mise en place des sanctions contre certains responsables du M23. Annoncées le 17 mars 2025, elles incluent des interdictions de voyage dans l'UE et le gel des avoirs de ces individus au sein de l'Union, visant à limiter leur capacité à financer ou coordonner leurs activités.
Conclusion
L’information affirmant que l'Union européenne a déployé un contingent militaire dans l'est de la République démocratique du Congo pour combattre le M23 est fausse. Après des vérifications approfondies, Eleza Fact a découvert, par le biais de l’UE, les ambassades de la France et de la Belgique en RDC, que le soutien de l’UE se limite exclusivement à l’assistance de la 31e brigade de réaction rapide des FARDC, dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix (FEP) qui est formée par une dizaine des soldats belges à Kindu. Ni la France, ni le Royaume-Uni – qui n'est d'ailleurs plus membre de l'Union européenne depuis 2020 – n'ont déployé de troupes dans l'est de la RDC.
Cette fausse information peut aggraver les tensions déjà vives dans la région, alimenter la méfiance envers les acteurs internationaux et compromettre les efforts de paix. Une vérification rigoureuse des informations avant de partager protège la crédibilité des médias et des institutions, et contribue à la stabilité en empêchant la manipulation de l'opinion publique.
Edité par Joël Kitambala